Manifestation anti-carcérale!
mercredi 31 mars 2010 à 09:20 - En vrac - Lien permanent
Cent dix personnes interpellés pour un tir de fusée dans une manifestation
LEMONDE.FR | 28.03.10 | 20h46 â ¢ Mis à jour le 29.03.10 | 20h15
Cent dix personnes ont été interpellées lors d'un rassemblement anticarcéral
relativement confidentiel aux abords de la prison de la Santé, dimanche 28
mars à Paris, après que l'un des participants a procédé à un tir de fusée de
détresse. Le rassemblement, qui avait été autorisé par la préfecture, devait
partir vers 15 heures de la place Denfert-Rochereau et arriver aux abords de
la prison, pour un mini-concert du rappeur La K-Bine, selon le tract des
organisateurs.
Organisée par des collectifs anticarcéraux, cette "marche contre
l'enfermement et en solidarité avec les personnes incarcérées à la prison de
la Santé" aurait réuni environ deux cents personnes. C'est donc plus de la
moitié du cortège qui a été arrêtée “ avec cinquante-sept gardes à vue ,
dans le cadre de la loi du 2 mars 2010, dite loi sur les bandes. Selon
l'article 222-14 du code pénal modifié, "le fait pour une personne de
participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue
de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de
violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou
dégradations de biens est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 d'euros
d'amende."
"RATISSER LARGE"
C'est la première fois que la loi sur les bandes est appliquée dans le cadre
d'une manifestation. A l'origine, ce texte avait été présenté comme un outil
pour "l'éradication des bandes de racailles, qui prennent toujours pour
cible les plus fragiles de nos concitoyens dans les quartiers les plus
populaires", selon les mots du porte-parole du gouvernement, Frédéric
Lefebvre. Mais de nombreux juristes y voyaient un retour de la loi
"anti-casseurs", abrogée en 1981 par le PS.
Pour Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats
(USM), les arrestations de dimanche illustrent le fait que "cette loi permet
de ratisser large dans les manifestants en leur imputant un phénomène de
bande". Il estime qu'il est encore trop tôt pour évaluer l'effectivité du
texte et ses dangers : "Il va falloir attendre quel sort les magistrats
donneront à toutes ces gardes à vue. Mais même s'il s'avère que la majorité
des manifestants ne sont pas poursuivis, ça fera beaucoup de gardes à vue.
On pourra alors se poser la question de la pertinence de cette loi et de ses
conséquences sur les libertés individuelles". Ironie de l'histoire, les
manifestants défilaient, entre autres choses, contre les gardes à vue
abusives.
Interrogée par Le Monde.fr, la préfecture détaille les faits qui sont
reprochés aux manifestants : "Une fusée de détresse marine a été tirée par
un manifestant vers la vitre d'un appartement, et d'autres avaient enfilé
des cagoules". Les cinquante-sept manifestants placés en garde à vue et ont
passé la nuit dans trois commissariats de la capitale. Selon le parquet, dix
d'entre eux étaient toujours retenus au poste mardi.
"AUCUNE VIOLENCE SIGNIFICATIVE"
Sur le site alternatif Indymédia, un participant raconte le déroulement de
la manifestation, convaincu que les arrestations étaient "planifiées" au vu
de l'importance du dispositif policier déployé. "La musique est à fond,
quelques slogans sont lancés, mais finalement, vu de l'extérieur, ça semble
franchement dérisoire, même pas sûr que les prisonniers entendent. Deux
fusées de détresse sont tirées en direction de la prison, dont une qui finit
sa course dans un immeuble, peut-être l'un des délits qui servira de
prétexte [...]. Les cordons de CRS s'installent tranquillement, d'abord
derrière, empêchant toute retraite, puis sur les côtés. Incrédules, la
plupart des gens ne réagissent pas, la manif est déclarée, rien ne laisse
présager une interpellation [...] ; rapidement, le malaise s'installe [...].
Les CRS finissent le boulot, resserrant de plus en plus l'étreinte, ils
embarquent les militants un par un dans les cars stationnés non loin."
Ce récit est confirmé par SUD-Etudiant, dont deux militantes ont également
été arrêtées. Le syndicat, qui dénonce une "opération policière proprement
scandaleuse", affirme qu'il n'y a eu "aucune violence significative" de la
part des manifestants et précise que le chanteur La K-Bine fait partie des
personnes emmenées au poste. "Encore une fois, la réaction des autorités
quant aux revendications exprimées longuement par une grande partie du
mouvement social contre la politique carcérale française est la répression",
déplore le syndicat.