Organisée par des collectifs anticarcéraux, cette "marche contre

l'enfermement et en solidarité avec les personnes incarcérées à la prison de

la Santé" aurait réuni environ deux cents personnes. C'est donc plus de la

moitié du cortège qui a été arrêtée “ avec cinquante-sept gardes à vue ,

dans le cadre de la loi du 2 mars 2010, dite loi sur les bandes. Selon

l'article 222-14 du code pénal modifié, "le fait pour une personne de

participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue

de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de

violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou

dégradations de biens est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 d'euros

d'amende."


"RATISSER LARGE"


C'est la première fois que la loi sur les bandes est appliquée dans le cadre

d'une manifestation. A l'origine, ce texte avait été présenté comme un outil

pour "l'éradication des bandes de racailles, qui prennent toujours pour

cible les plus fragiles de nos concitoyens dans les quartiers les plus

populaires", selon les mots du porte-parole du gouvernement, Frédéric

Lefebvre. Mais de nombreux juristes y voyaient un retour de la loi

"anti-casseurs", abrogée en 1981 par le PS.


Pour Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats

(USM), les arrestations de dimanche illustrent le fait que "cette loi permet

de ratisser large dans les manifestants en leur imputant un phénomène de

bande". Il estime qu'il est encore trop tôt pour évaluer l'effectivité du

texte et ses dangers : "Il va falloir attendre quel sort les magistrats

donneront à toutes ces gardes à vue. Mais même s'il s'avère que la majorité

des manifestants ne sont pas poursuivis, ça fera beaucoup de gardes à vue.

On pourra alors se poser la question de la pertinence de cette loi et de ses

conséquences sur les libertés individuelles". Ironie de l'histoire, les

manifestants défilaient, entre autres choses, contre les gardes à vue

abusives.


Interrogée par Le Monde.fr, la préfecture détaille les faits qui sont

reprochés aux manifestants : "Une fusée de détresse marine a été tirée par

un manifestant vers la vitre d'un appartement, et d'autres avaient enfilé

des cagoules". Les cinquante-sept manifestants placés en garde à vue et ont

passé la nuit dans trois commissariats de la capitale. Selon le parquet, dix

d'entre eux étaient toujours retenus au poste mardi.


"AUCUNE VIOLENCE SIGNIFICATIVE"


Sur le site alternatif Indymédia, un participant raconte le déroulement de

la manifestation, convaincu que les arrestations étaient "planifiées" au vu

de l'importance du dispositif policier déployé. "La musique est à fond,

quelques slogans sont lancés, mais finalement, vu de l'extérieur, ça semble

franchement dérisoire, même pas sûr que les prisonniers entendent. Deux

fusées de détresse sont tirées en direction de la prison, dont une qui finit

sa course dans un immeuble, peut-être l'un des délits qui servira de

prétexte [...]. Les cordons de CRS s'installent tranquillement, d'abord

derrière, empêchant toute retraite, puis sur les côtés. Incrédules, la

plupart des gens ne réagissent pas, la manif est déclarée, rien ne laisse

présager une interpellation [...] ; rapidement, le malaise s'installe [...].

Les CRS finissent le boulot, resserrant de plus en plus l'étreinte, ils

embarquent les militants un par un dans les cars stationnés non loin."


Ce récit est confirmé par SUD-Etudiant, dont deux militantes ont également

été arrêtées. Le syndicat, qui dénonce une "opération policière proprement

scandaleuse", affirme qu'il n'y a eu "aucune violence significative" de la

part des manifestants et précise que le chanteur La K-Bine fait partie des

personnes emmenées au poste. "Encore une fois, la réaction des autorités

quant aux revendications exprimées longuement par une grande partie du

mouvement social contre la politique carcérale française est la répression",

déplore le syndicat.